Rapport au Chapitre, 1ère partie, Introduction: MISSION ET CONVERSION


Missionnaires Oblats de Marie Immaculée

État de la Congrégation

Rapport du Supérieur général au Chapitre général de 2010

1ière partie




Saint Eugène a écrit à propos des Oblats : « Leur instituteur, c’est Jésus Christ, le Fils  de Dieu lui-même; leurs premiers pères, les Apôtres » (Règle de 1818). Sur le point d’ouvrir notre 35e Chapitre général à une époque de grands changements, rassemblons-nous autour de Jésus Christ qui est, à vrai dire, notre véritable fondateur. Que la présence du Christ, sa parole et son Esprit nous guident dans notre discernement. Dans Jn 5, 30, Jésus déclare : « Je ne puis rien faire de moi-même. Je juge selon ce que j’entends; et mon jugement est juste, car ce n’est pas ma volonté que je cherche, mais la volonté de Celui qui m’a envoyé ». Jugeons donc comme nous l’entendons, attentifs ensemble, avec une oreille réceptive, à la voix de l’Esprit, et cherchant à faire la volonté de Dieu. Nous avons besoin d’une profonde conversion, nous ouvrant à des choix autres que ceux que nous pourrions préférer, mais qui s’accordent avec la volonté de celui qui nous a envoyés.

Le présent rapport sur l’état de la Congrégation veut être un tremplin vers une vision d’avenir de notre travail missionnaire qu’il nous reste à mettre en place par voie de ce 35e Chapitre et de ses suites. Le rapport ne prétend pas offrir des réponses toutes faites mais il cherche plutôt à mettre en lumière quelques-unes des interrogations que nous avons tous en tête.

Dans les pages qui suivent, suite à une réflexion d’entrée sur le thème de la conversion proposé au Chapitre, je vais d’abord identifier des jalons de notre histoire récente; deuxièmement, je décrirai les tendances observables qui pourraient constituer des signes d’espoir, mais qui du même coup en appellent à une conversion pour notre Congrégation; en conclusion, je vais présenter quelques impératifs pour l’avenir. On trouvera en annexe un compte-rendu des efforts déployés par  l’Administration générale  pour répondre aux attentes du dernier Chapitre.

Ce rapport est le résultat d’un travail d’équipe fourni par le Gouvernement central. Il sera complété par le Rapport du Trésorier général, qui a été pareillement examiné par la même administration et que j’endosse pleinement.


Introduction : Une mission qui demande une conversion


A.    Mission


Au début de ce Chapitre, il pourrait être bon de rappeler pourquoi nous sommes engagés dans  ce travail missionnaire. Une dame élégante accompagnait Mère Térésa alors que celle-ci prenait soin des malades. À la vue d’un lépreux qu’elle lavait, la dame détourna son visage avec dégoût : « Je ne ferais pas cela pour un million de dollars, » dit-elle. « Moi non plus », répondit Mère Térésa. Nous, les Oblats, tout comme Mère Térésa, n’allons pas évangéliser les pauvres pour de l’argent. Nous le faisons parce que Dieu nous a donné une mission à remplir. Quand nous avons été fondés, notre première communauté répondait à un urgent besoin dans la France de 1816, mais ce besoin s’est alors  répandu à l’univers entier. Les besoins missionnaires du monde demeurent aussi urgents aujourd’hui que lors de nos commencements, et peut-être même plus encore. La première ligne de l’encyclique missionnaire de Jean-Paul II nous revient à l’esprit : « La mission du Christ Rédempteur, confiée à l’Églisen’en est qu’à ses débuts » (Redemptoris Missio, 1).

Notre mission se fixe sur un point  particulier, comme c’est le cas pour d’autres Instituts religieux.  Pour nous, c’est le « evangelizare pauperibus », défini dans la Constitution 5 : « La Congrégation est tout entière missionnaire.  Son premier service dans l’Église est de faire connaître aux plus délaissés le Christ et son Royaume». Cette réalité n’a jamais changé.

Ce qui change, et de façon dramatique, ce sont les époques, c’est-à-dire les gens et leurs cultures, vers lesquels se tourne notre mission; de telle sorte que la composition de notre Congrégation est en train de changer avec eux. Bientôt nous compterons 150 ans depuis la mort de notre Fondateur. Depuis 1861, la Congrégation a eu longtemps son centre dans le monde occidental. Aujourd’hui nous sommes devenus ‘multicentrés’ – il n’est que de regarder la carte des divers points  d’une présence oblate forte et vibrante.



Une Chapitre général doit affronter le défi de saisir à nouveau les besoins missionnaires dans le monde et de rendre la Congrégation apte à redécouvrir sa mission essentielle, à remplir sa mission aux pauvres d’aujourd’hui. Les besoins et les possibilités peuvent varier selon les champs d’apostolat – des pays sécularisés, des milieux qui se perçoivent comme chrétiens, des cultures alliées à des religions fortement traditionnelles, des situations de minorités chrétiennes enchâssées au milieu des grandes religions du monde, des régimes postcommunistes, etc. Partout le Royaume de Dieu peut être découvert, identifié, et nourri par la présence du Christ dans son Église.

B.    Conversion


Le thème de notre Chapitre est étonnamment, non pas la mission, mais la conversion. Il se lit comme suit : « Centrés sur la personne de Jésus Christ, nous nous engageons vers une profonde conversion personnelle et communautaire, pour l’amour de notre Mission oblate ». Notre démarche  précapitulaire était guidée par la devise « Conversion : un cœur nouveau – un esprit nouveau – une mission nouvelle ».  

C’est la rencontre intercapitulaire de 2007, en Afrique du Sud, qui a adopté ce thème. Les participants ont alors réalisé que, dans la Congrégation, il semble se dégager un consensus concernant notre identité comme missionnaires oblats. On a mis des années à se réclamer d’une telle identité, mais à présent la plupart d’entre nous sommes d’accord sur un modèle identifié autour des éléments-clés suivants :

  • Nous sommes une expression de la mission de l’Église envers les pauvres
  • Nous vivons et nous exerçons notre ministère en communauté
  • Nous vivons dans un esprit d’internationalité et l’interculturalité
  • Nous donnons à nos structures une tournure plus collaborative et flexible
  • Nous partageons nos ressources financières entre nos provinces

L’on ressentait que nous avions atteint un accord fondamental autour de ces principes et sur les façons mêmes de les amener à maturité, tout en reconnaissant qu’ils n’avaient pas encore atteint leur pleine réalité. Le seul élément déficient était un changement du cœur. Intellectuellement et théoriquement nous pouvons souvent atteindre la clarté des concepts et des idéaux, des modèles et des sentiers d’action, mais le cœur n’y est pas toujours totalement engagé. Nous avons pris conscience que tout notre style de vie comme missionnaires avait à changer de telle sorte que nous puissions vivre ensemble de façon plus harmonieuse, que nous puissions être plus conséquents dans notre vie de prière et notre réflexion, et traverser les frontières pour arriver à témoigner de Jésus Christ aux plus pauvres et aux plus abandonnés de façon beaucoup plus créative.

Après une entente plus formelle sur la conversion en tant que thème provisoire du Chapitre, la commission précapitulaire a formulé une prière, distribué des questionnaires et rédigé plusieurs articles sur la conversion et la mission.

Dans les réponses aux questionnaires, l’on a ciblé des phrases expressives comme « l’enracinement dans le Christ », « la pauvreté et la qualité de la vie oblate », « des missionnaires contemplatifs », « la vie religieuse, bonne nouvelle pour nous et pour les autres », etc.

Dans les articles qu’on en a tirés, on peut lire des extraits  comme les suivants :

  • Les mots de Gandhi sont de fait évangéliques quand il dit : « Nous devons devenir le changement que nous voulons voir arriver dans le monde » (Frank Santucci).
  • « Deux éléments de notre vie semblent nécessiter une attention considérable. Ce sont le renouveau du Ministère de la Parole et la découverte d’un mode corporatif de vivre la pauvreté évangélique » (David Power).
  • Il s’agit  de faire de nos communautés oblates des maisons de la Parole de Dieu (Jean Hérick Jasmin).
  • « La conversion de notre style de vie doit être un but primordial » (réponses sommaires au Questionnaire 1).
  • « Nous devons ajouter la dimension de la maturité humaine et de l’intégrité comme étant des éléments-clés d’une conversion réelle et efficace » (réponse sommaire au Questionnaire 1).
  • Gianni Colombo, récemment décédé, cite notre Règle : « Les Constitutions des OMI affirment que ‘le Chapitre est un temps privilégié de réflexion et de conversion communautaires; ensemble, en union avec l’Église, nous discernons la volonté de Dieu dans les besoins urgents de notre époque » (C 125).

Saint Eugène de Mazenod lui-même parlait de la conversion à la sainteté dans son  discours  inaugural à l’important Chapitre de 1850 :

« Nous devons comprendre maintenant plus que jamais le besoin d’être un parfait religieux de façon à être un bon missionnaire. Nous devons être tout à fait convaincus que les moyens les plus efficaces pour cueillir de beaux fruits dans les cœurs des gens sont la sainteté de vie et la fidèle pratique de tous les devoirs de notre état ».

Dans le présent Chapitre, de concert avec saint Eugène, nous aimerions joindre explicitement la conversion avec les besoins  missionnaires actuels. La conversion a son point de départ dans nos cœurs et entre nous, et une fois qu’elle sera mise en marche, nous apercevrons clairement que le monde entier a besoin de conversion. L’environnement en est un bel exemple. À ce propos, la Conférence des évêques canadiens dit ceci :

« Le pape Jean-Paul  II nous a rappelé que la crise n’est pas seulement écologique, mais tout autant morale et spirituelle. On doit approcher  une crise morale au moyen de la conversion, qui est un changement de perspective, d’attitude et de comportement. Fondamentalement, une telle conversion vise à guérir les ruptures que nous avons causées avec la nature, avec notre prochain et avec Dieu » .

Nous ne pouvons remplir notre mission par un contrôle à distance. Nous devons nous-mêmes, personnellement et en tant que communautés, nous engager sur le champ de bataille où se livre le combat spirituel. Dans la Préface de nos Constitutions et Règles, saint Eugène s’exprime de la façon suivante, et je cite le passage dans son entier :

« Ils doivent travailler sans relâche à devenir humbles, doux, obéissants, amateurs de la pauvreté, pénitents, mortifiés, détachés du monde et des parents, pleins de zèle, prêts à sacrifier tous leurs biens, leurs talents, leur repos, leur personne et leur vie pour l’amour de Jésus Christ, le service de l’Église et la sanctification du prochain; ensuite, pleins de confiance en Dieu, ils peuvent entrer dans la lice et combattre jusqu’à extinction pour la plus grande gloire de son très saint et très adorable Nom. Quel vaste champ à parcourir ! Quelle noble et sainte entreprise ! »


C.    Le présent Chapitre


Les attentes vis-à-vis de notre Chapitre sont grandes. Après une longue préparation il semble que nous sommes maintenant redevenus sensibles à la conversion pour autant que nous affrontons de nombreux changements et défis. Mais nous savons tout aussi bien que dans l’espace de quatre semaines nous ne pouvons nous attendre à trouver des réponses à tout. L’une des décisions importantes que nous pourrions prendre serait de devenir, de nouvelle façon, une « Congrégation qui apprend », comme on l’a exprimé lors de la session conjointe Canada-US en 2009, de concert avec le Gouvernement central. Peut-être que durant le dernier Chapitre, soucieux d’être pratiques, nous nous sommes laissés aller à trop de détails. Nous pouvons apprendre, à partir de cette expérience, que moins peut être plus. Nous devrions donc cibler quelques lignes de conduite,  peu nombreuses mais bien pensées,  applicables au niveau international,  qui, du même coup, pourraient incarner notre vie religieuse missionnaire dans des cadres culturels spécifiques. En termes bibliques, trouver la « voie » est ce qui importe; Jésus se présente d’abord comme la voie avant de dire qu’il est la vérité et la vie (Jn 14 ,6).

Il y aura, toutefois, quelques questions concrètes et bien pratiques à examiner :

  • Tel que demandé par le dernier Chapitre, nous ferons encore faire un effort pour adapter nos structures à un monde changeant et une Congrégation qui a changé.
  • Nous devrons élire un nouveau Supérieur général et son Conseil.
  • Quelques changements particuliers dans nos Constitutions et Règles pourraient être exigés pour répondre de façon plus adéquate à notre réalité présente ou pour les mieux harmoniser avec le texte.
  • Nous porterons une attention particulière à la situation de nos biens temporels.

Rapport au Chapitre, 2ème partie, Jalons


Missionnaires Oblats de Marie Immaculée

État de la Congrégation

Rapport du Supérieur général au Chapitre général de 2010

2ième partie




I.    Jalons et événements positifs


A.    Les jalons de l’histoire du monde et de l’Église qui nous affectent directement


Au niveau mondial, qu’est-ce qui a marqué les Oblats durant les derniers six ans ? En relevant un nombre limité d’événements mondiaux qui nous ont affectés plus particulièrement, je note :

  • la guerre et des conflits dans plusieurs pays où nous sommes présents : au Sri Lanka (2004-2009), au Congo (même après la 2e guerre du Congo de 1998 à 2003), dans le sud des Philippines, et à Jos, Nigeria (2009-2010); le harcèlement des chrétiens en Inde et au Pakistan (surtout en 2009);
  • le tsunami du 26 Décembre 2004;
  • la crise financière de 2008-2009;
  • le règlement de la question des Écoles résidentielles indiennes au Canada, en 2008-2009;
  • la fin de la Guerre civile au Sri Lanka en mai 2009;
  • le séisme de Haïti le 12 janvier 2010.

Durant la même période l’Église a connu plusieurs événements importants :

  • le décès du pape Jean-Paul II et l’élection subséquente d’un nouveau pape, Benoît XVI, en 2005;
  • la 5e Conférence des évêques latino-américains, à Aparecida en 2007;
  • les procès pour abus sexuels  en Amérique du Nord (2003-2009) et en Europe de l’Ouest;
  • le Synode sur la Parole de Dieu en 2008;
  • le deuxième Synode pour l,Afrique en 2009;
  • le relevé incessant des péchés de l’Église.

Quels sont les jalons qui ont marqué la route de notre Congrégation durant les six ou douze ans passés ?

B.    La carte changeante de la Congrégation


Au Gouvernement central, nous avons mis l’emphase sur la consolidation des missions et délégations existantes, et la liste en est longue : Zambie, Zimbabwe, Angola, Namibie, Pakistan, Chine, Guyane française, Guatemala. Plus d’une province ont reçu des renforts de quelques autres plus riches en vocations, et c’est encore là un processus en marche.

Tandis que nous avons ralenti le mouvement d’ouverture de missions dans de nouveaux pays, nous avons connu ailleurs, suite aux recommandations de nos assemblées, de nouveaux commencements:  Roumanie en 2000,  Belarus en 2001, et Guinée-Bissau en 2003.

Des efforts continus ont été faits pour adapter les structures de nos Unités aux besoins des missions et à nos ressources. Quelques mouvements importants ont été, par exemple :

  • Les cinq provinces des États-Unis qui se sont réunies en 1999.
  • Le Canada qui est passé de huit provinces à trois, entre 2003 et 2005.
  • Une vice-province et deux délégations à l’intérieur du Brésil ont fusionné en une province en 2003.
  • L’Inde est devenue province en mai 2010.

Plusieurs autres changements se sont produits dans le cadre de la restructuration des 24 vice-provinces demandée par le Chapitre de 1998 :

  • L’Argentine et le Chili sont devenus une seule province en 2003.
  • Les Pays-Bas et les deux provinces belges se sont fusionnés en une seule province.
  • La Scandinavie et la Vice-province polonaise de France-Benelux ont rejoint la Pologne.
  • La Province centrale européenne a été formée à partir de l’Allemagne, de l’Autriche et de la République tchèque.
  • En 2010, la Thaïlande est devenue une délégation des Philippines.  
  • La Délégation du Japon – Corée est désormais sous la gouverne de Colombo avec l’appui de Jaffna et des Philippines.

La carte oblate de l’Afrique n’a pas encore changé, mais là aussi, comme en d’autres parties du monde, la coopération régionale est devenue la règle, particulièrement pour appuyer notre centre d’études de Cedara, en Afrique du Sud, et pour la consolidation des  études de nos candidats en formation originaires  du Cameroun, du Congo et du Sénégal.

Plusieurs scénarios de restructuration sont encore à l’étude, particulièrement pour l’Italie et l’Espagne; le Paraguay et l’Uruguay; la Bolivie; le Pérou; le Natal et la Province du Nord de l’Afrique du Sud, et enfin la Namibie, la Province centrale de l’Afrique du Sud et le Lesotho.

C.    Les événements qui ont marqué la mission oblate


Quelques autres jalons marquent le genre de travail missionnaire qui intéresse la Congrégation. Cela est particulièrement mis en lumière dans les sessions suivantes qui se sont tenues :

  • sur la sécularité (plusieurs sessions),
  • sur le dialogue interreligieux,
  • sur le ministère auprès des indigènes,
  • sur la mission auprès des jeunes,
  • sur la migration.

D’autres événements, mouvements ou changements dignes de mention spéciale :

  • Le processus d’évaluation de l’« Immense Espérance» est en marche depuis qu’il a acquis de l’importance à la réunion intercapitulaire au Mexique en 2001;
  • Des efforts importants ont été entrepris pour fortifier et recentrer le ministère de JPIC. Nous  avons maintenant un directeur à temps plein au sein de l’Administration générale, en la personne du p. Camille Piché, et un représentant permanent à l’ONU, le p. Daniel LeBlanc, en collaboration avec VIVAT ; de plus, de nouveaux statuts  ont été élaborés pour notre service au niveau général.
  • Quant à l’animation du charisme, le Gouvernement central s’y est de plus en plus engagé au Centre de Mazenod à Aix qui se prépare à prendre complètement en charge le 60, Cours Mirabeau. De plus, on a confié à quelqu’un une tâche à plein temps pour l’animation du  charisme à travers la Congrégation.
  • Le Comité permanent concernant les Frères et le Comité pour les Laïcs Associés ont apporté une énergie nouvelle à ces expressions du charisme oblat.
  • Des démarches financières d’envergure ont été discutées en préparation  de décisions éventuelles. Beaucoup d’argent a changé de propriétaires par le biais des programmes du Capital I & II et de la Campagne de Ressources missionnaires, de façon à fortifier notre mission comme évangélisateurs des pauvres au 21e siècle. Quelques provinces ont même consenti des efforts additionnels au-delà de ce qui était stipulé dans ces programmes et ont ainsi partagé régulièrement de leurs ressources avec l’ensemble de la Congrégation : ainsi la Province américaine, la Province de Belgique/Pays-Bas, la Province anglo-irlandaise, l’Espagne et tout récemment la Province du Brésil.
  • Le poste de directeur des octrois a contribué à appuyer le travail missionnaire à partir de sources non-oblates. Depuis 1999, nous avons cherché quelqu’un pour occuper ce poste,  mais la nomination du Directeur n’a pu prendre effet qu’à partir de 2005.
  • L’étude concernant la vente possible de la Maison générale a été menée avec une  attention particulière durant les derniers cinq ans; la chose est arrivée tout près d’une décision, mais le processus a été mis en veilleuse en février 2010 en raison de la proximité du Chapitre.
  • Des affaires de Cour et des règlements de litiges ont continué à peser lourdement sur des provinces , entraînant avec eux une perte de renommée et de portions appréciables de notre patrimoine.
  • Un événement missionnaire d’importance a été, en quelque sorte,  le terme apporté à plus de 10 ans de litiges au Canada, émanant des Écoles résidentielles pour les autochtones. Ce qui a suscité, en avril 209, une visite d’envergure auprès du Pape et de notre Maison générale de la part des Chefs autochtones.
  • Il faut encore mentionner que depuis 1998 nous avons de nouveau un cardinal oblat, Mgr Francis George. Des évêques et prélats oblats sont nommés régulièrement et leur nombre d’environ 45 est demeuré assez stable.

Enfin, permettez-moi de mentionner quelques événements qui se rapportent aux gestes merveilleux de Dieu parmi nous :

  • la béatification du père Jozef Cebula en 1999;
  • le 10e anniversaire de la canonisation de saint Eugène en 2005;
  • la perspective de la béatification de nos martyrs espagnols en 2011.

Connaîtrons-nous l’inscription de la fête de saint Eugène de Mazenod au calendrier liturgique universel durant la même année 2011, à l’occasion du 150e anniversaire de sa mort ? Nous avons certainement besoin de  prier et d’avoir recours à  l’intercession de nos saints oblats en vue de poursuivre l’œuvre qu’ils ont commencée.


Rapport au Chapitre, 3ème partie, Appels 1 - 3: CHARISME, DEMOGRAPHIE, ADJUSTEMENTS


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Rapport du Supérieur général au Chapitre général de 2010

3ième partie




II.    Développements particuliers et appels à une conversion


Après ce bref regard sur notre histoire récente, je vais maintenant souligner les développements et les tendances que j’observe et les appels que j’entends  en réfléchissant sur les derniers 12, ou même 18 ans. Eh oui ! j’ai passé 18 ans au centre administratif de la Congrégation ! De telles observations ne sauraient toujours se réclamer de l’objectivité, mais elles pourraient servir de point de départ pour les débats de notre Chapitre.

Je vois dans les huit points que j’ai identifiés huit appels à la conversion. Dans Mc 1, 15, conversion signifie changement, en répondant à un moment favorable, un « kairos » . Alors que l’appel à la conversion, d’après l’expression grecque « metanoéite », se traduit par un « changez d’esprit », ce n’est pas n’importe quel changement qui est requis mais un changement vers une vie en accord avec l’Évangile : « Croyez à la Bonne Nouvelle ! », poursuit l’évangile de Marc 1, 15. En conséquence, nous devons être prêts à réagir aux développements que nous observons autour de nous, tout en demeurant fidèles à notre propos initial.

Ayant ceci en tête, je vous invite à examiner les huit aspects suivants de la vie oblate dans lesquels peuvent être observés de nouveaux développements et des tendances nouvelles, et où peuvent être entendus des appels qui s’y rapportent : le charisme oblat, le fait d’être membre de la Congrégation, sa mission, l’interculturalité, la communauté, la formation, les structures et les finances.

À la fin de mon rapport, je reviendrai sur les appels perçus, tout en formulant quatre impératifs.

1.    À mesure que nous reconnaissons le don de notre charisme oblat, nous sommes invités à consolider notre ministère pour les vocations.


Quinze ans après la canonisation de saint Eugène, le cœur de sa spiritualité et ses choix missionnaires nous sont mieux connus qu’auparavant :

  • son zèle comme évangélisateur pour « rallumer la flamme de la foi »  et la répandre partout;
  • la place importante qu’il a donnée à la communauté;
  • le fait, pour lui, d’être centré sur le Christ par l’étude de l’Écriture et l’Eucharistie;
  • son amour agissant de l’Église;
  • son amour héroïque des pauvres.

Nous sommes fiers de notre Saint, surtout que, depuis sa canonisation, plus d’une église et chapelle ont été appelées par son nom.  Les noms d’autres missionnaires oblats d’importance ont aussi été honorés de la même façon. Il n’est pas exagéré de dire qu’un certain enthousiasme pour de notre charisme a grandi tout au long de la dernière décennie.

Plusieurs activités présentement à l’œuvre démontrent l’estime de bon aloi que l’on porte à notre condition d’Oblats et à l’expansion de notre charisme :

  • Notre Centre de Mazenod à Aix est en activité depuis 1991 et l’animation et la recherche, à la grandeur de la Congrégation, ont été poursuivies avec énergie, comme on l’a noté ci-dessus.
  • Cette prise de conscience de notre charisme a conduit à une meilleure appréciation de la vocation des Frères, qui sont eux-mêmes associés, depuis 1998, à la grandeur de la Congrégation.
  • L’enthousiasme des laïcs pour le charisme oblat s’est accru. Les Associés sont désormais présents en plus d’endroits que jamais auparavant, et l’on reconnaît de plus en plus que le charisme rejoint le laïcat  .
  • Le phénomène de nouveaux mouvements oblats de jeunes se retrouve dans environ dix provinces.
  • Nous gardons le contact avec plusieurs instituts reliés à saint Eugène; on en fonde même de nouveaux. En 2004, 15 supérieurs généraux de tels instituts se sont rencontrés à Aix.

Tandis que la prise de conscience de notre charisme a nettement grandi, la répercussion sur les vocations à la vie religieuse oblate et au sacerdoce oblat en a été plutôt inégale. À tout prendre, le nombre de nos candidats en formation s’est lentement accru – d’une moyenne de 612 pour les derniers cinq ans du siècle passé jusqu’à une moyenne de 711 pour les cinq ans précédant ce Chapitre. Toutefois, compte tenu de la culture ambiante, le nombre des vocations varie grandement. Voici quelques tableaux qui illustrent la réalité des vocations à la vie oblate consacrée.



On peut le constater, nous peinons à nous recruter dans des milieux sécularisés,  même dans des endroits où l’on mène une mission active auprès des jeunes. Je perçois là un appel à nous les Oblats. Bien sûr, l’expression de la vie de foi au  sein des familles, la taille des familles et l’image publique de l’Église jouent un rôle important quand il est question de vocations religieuses, mais je crois que nous pouvons encore faire mieux. Certains Oblats ont un charisme pour inviter les jeunes à la vie oblate, comme Frères ou comme prêtres: est-ce qu’on leur confie le ministère des vocations, est-ce qu’on les encourage et leur offre l’appui communautaire dont ils ont besoin ?

Une question encore plus importante à soulever est la suivante : croyons-nous assez en notre vocation et à son importance, pour vraiment en inviter d’autres à se joindre à nous et à le faire en dépit de la culture dominante ?  Nous sommes fiers de saint Eugène: sommes-nous aussi fiers de notre vie consacrée et/ou de notre sacerdoce ?

À mesure que nous faisons la promotion des associés laïcs, nous devrions leur demander d’encourager de façon décidée les vocations à la vie consacrée. Avoir le souci des vocations est une expression de notre souci pour la mission : « La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux; priez donc le Maître de la moisson d’envoyer des ouvriers à sa moisson » (Lc 10, 2).

Enfin, nous ne devons pas oublier qu’il ne suffit pas d’être fiers d’être  Oblats: notre fierté devrait résider dans notre conversion au Christ. Les congrégations religieuses se rendent compte aujourd’hui, et de plus en plus, que les évangiles constituent leurs constitutions et leurs règles fondamentales. Seul le Christ mérite la place centrale et notre charisme nous aide seulement à nous centrer à mesure que nous explorons plus à fond les richesses infinies du Christ.

2.    À mesure que des changements démographiques se produisent dans l’Église et parmi les Oblats, nous sommes invités à y répondre avec une perspicacité prudente.


Le changement démographique qui se produit à l’intérieur de notre Congrégation est relié à un mouvement similaire dans le monde où 45% de la population en deçà de trente ans est concentré dans le Sud, tandis que l’on trouve une Église dont le centre de la population se déplace vers le sud et l’est. Alors que ces changements ne passaient pas inaperçus il y a des années, c’est maintenant qu’ils nous atteignent vraiment.

Comment devrions-nous réagir à cette tendance ?

La première chose importante à faire est de reconnaître les faits, comme va le dicton : « la réalité est toujours bienvenue »; ou : respectez le « principe de vérité », comme on le  dirait en français,  même si la réalité ne semble pas être amicale et que la vérité puisse être pénible. Dans une  partie du monde, notre changement démographique égale déclin. Les Oblats de la Région nord-américaine en ont établi un clair énoncé : « nous, les Oblats, sommes en période de déclin (au moins en Amérique du Nord) » . En d’autres parties du monde, la Congrégation est en progrès; de nouvelles communautés locales ont récemment été fondées dans des Provinces ou Délégations comme le Congo, le Natal, le Brésil, le Pakistan, l’Inde, le Bangladesh, etc.

La deuxième chose est que nous devons toujours garder à l’esprit l’image globale et le faire dans un esprit de solidarité. L’image du corps, selon saint Paul, nous vient à  l’esprit : « Car dans un seul Esprit nous avons tous été baptisés en un seul corps – Juifs ou Grecs, esclaves ou hommes libres » (1Co 11, 13). Nous devons apprendre à prendre soin les uns des autres, considérant que le progrès et le déclin ne sont pas entièrement dépendants de nos propres mérites ou de nos manques de mérites, et que l’Esprit souffle où il veut.   

Tout compte fait, au niveau des seuls nombres, la Congrégation se porte assez bien; nous étions 4,138 Oblats au début de la présente année. Mais il est exact que notre nombre, au cours des derniers 15 ans, ont diminué en moyenne de 1.2% par année. Cela est dû au fait que nous étions très forts dans des pays qui sont maintenant fortement sécularisés : le Canada, l’Irlande, la Belgique, les Pays-Bas, la France, l’Allemagne, les États-Unis, etc. Dans ces pays, nous trouvons à présent une population totale de plus de 1000 Oblats au-delà de 70 ans. D’un autre côté, l’on trouve plus d’une jeune Unité avec des chiffres importants comme la Pologne, Colombo, le Congo, le Lesotho, le Cameroun, Haïti, les Philippines, Jaffna, l’Inde, le Natal, la Zambie, le Mexique et le Brésil, totalisant 1600 Oblats, avec un âge moyen en-deçà de 45 ans.   

Notre troisième réaction doit être de garder notre équilibre, évitant de devenir désespéré ou  euphorique. En ces temps de changements démographiques, il nous faut prendre soin de nos aînés, et on le fait  de façon admirable. Nous devons relever aussi le défi de garantir à nos jeunes une solide formation. Nous devons encore nous rappeler que les jeunes Oblats vieilliront un jour et donc prévoir en conséquence. Et comme nous l’avons mentionné, nous ne devons jamais renoncer à inviter ceux qui se sentent appelés à partager notre mode de vie, même si, dans des situations données, les nombres peuvent diminuer.

Quelles sont les conséquences prévisibles du changement démographique, et comment pouvons-nous y répondre de façon prudente ? Que sommes-nous appelés à faire ?

Une des conséquences, c’est que les jeunes générations et les leaders issus des Unités plus jeunes seront de plus en plus appelés à prendre des responsabilités; en conséquence, ils doivent être y être préparés.

Une autre conséquence du mouvement démographique est un changement financier radical. Mais, dans ce domaine, gardons  la tête froide; par du travail ardent, une saine administration, la solidarité et la providence de Dieu,  nous survivrons et nous aurons la possibilité de réussir, mais pas d’après le slogan : Sauve-toi tout seul si tu le peux. La section financière du présent rapport saura nous informer plus en détails.

Une troisième conséquence est le besoin de vivre de plus en plus au sein de communautés interculturelles : c’est ce que nous avons encore à apprendre, mais cela pourra paraître très utile pour notre travail missionnaire sur le terrain.

Une chose est certaine : cette situation nous interpelle à plus d’un égard. Nous devrons y mettre beaucoup de réflexion et nous exercer à la patience. Pour un temps, nous vivrons des situations débalancées jusqu’à ce que les Unités en croissance aient acquis assez de force. La Zambie ne peut déjà faire à présent ce que notre province-mère, la France, faisait dans le passé, mais, espérons-le, ce temps viendra bien. Nous vivons à une époque qui exige de nous une conversion continuelle. Nous devons être prêts à changer tout ce qu’il  peut être nécessaire de changer, mais en même temps être constamment conscients du fait que nous formons ensemble un seul corps dans le Christ.

Pour conclure, laissez-moi porter à votre attention quatre tableaux visant à illustrer le changement démographique. Dans le tableau 1) on peut découvrir les changements étonnants dans les Régions au cours des derniers 12 ans; dans le tableau 3), juste en-dessous, on pourrait trouver encourageant de constater que depuis 2003 il y a plus d’Oblats dans les secteurs en croissance de la Congrégation que dans les régions en déclin. On peut clairement identifier les Unités plus jeunes fortes au bas du tableau 2). Des projections d’avenir portant sur une période plus étendue ne sont pas faciles à faire mais on peut voir franchement quelles Régions seront numériquement les plus fortes dans 15 ans ou à peu près (tableau 4). Autour de cette période, vers 2025, il se peut que notre nombre global s’accroisse de nouveau (tableau 3, ligne supérieure).



3.    Notre pratique missionnaire exigeant de nouveaux ajustements, nous sommes appelés à poursuivre d’après les lignes tracées par le processus de l’«Immense Espérance»..


Le navire amiral de notre animation missionnaire a été le projet « Immense Espérance» (IE)  lancé en 1999. C’est par ce moyen que les Unités de la Congrégation ont fait des efforts pour reconnaître les changements dans notre mission durant plus de 10 ans ! IE analyse les relations entre le charisme, la mission, le personnel et les biens temporels. Peut-on dire qu’IE a lancé une nouvelle tendance et  créé une culture de constante révision critique de nos pratiques missionnaires ? Cela a été envisagé au sein du Chapitre de 1998 qui s’ est exprimé ainsi :


Évangéliser exige une constante évaluation de nos pratiques missionnaires. Et donc notre demande est la suivante : à tous les niveaux –personnel, communautaire et de la congrégation- prenons le temps nécessaire pour évaluer et discerner si notre évangélisation est en phase avec la réalité de notre monde contemporain et avec l’appel spécifique de Dieu par le biais de notre charisme. (EPM 19)

Le processus de l’IE nous amène non seulement à envisager les besoins du monde, mais il nous appelle aussi à donner une nouvelle expression  à notre attachement à l’Église. Le projet IE a été conçu à partir de la vision missionnaire du Chapitre de 1998 : « C’est l’Église qui évangélise et qui nous envoie en mission » (EPM 12). Tout comme saint Eugène a aimé passionnément le Christ notre Sauveur, ainsi a-t-il aimé l’Église ; nous savons tous comment débute la Préface de nos Règles : « L’Église, ce bel héritage du Sauveur, qu’il avait acquise au prix de son sang.., ». Saint Eugène a aimé l’Église en dépit de ses failles. Nous sommes appelés à en faire autant.

Comme résultat de l’ « Immense Espérance » et de la nouvelle culture du renouveau missionnaire, quelles sont les tendances récentes dans notre travail missionnaire ? Quels appels entendons-nous et comment voulons-nous y répondre ?

Au niveau des  provinces, nous avons positivement reconnu le fait qu’une bonne partie de notre mission passe à travers les paroisses. En Amérique latine, on a tenu une rencontre régionale oblate sur JPIC dans le ministère paroissial (Pérou, 2009) et la Région européenne a réfléchi sur le moyen de rendre les paroisses vraiment missionnaires  . Les paroisses sont reconnues comme un élément clé, de facto, pour notre mission oblate et, à cet effet, on en appelle  à des entreprises créatrices.

En même temps, un plus grand nombre de provinces font face à la situation que les évêques sont moins tentés de demander aux Oblats du travail de paroisse, compte tenu du fait que le clergé local est désormais en nombre suffisant. Ce fait, allié à une prise de conscience croissante de la  tradition remontant à notre fondation, nous incite à accentuer d’autres formes de ministère si elles sont des chemins convenables d’évangélisation (R 7b). Plusieurs options s’offrent à nous. Si nous entendons l’appel, nous devons choisir dans l’esprit des CC 1 à 10 : 

  • la prédication des missions (il y a de nouvelles initiatives dans plusieurs de nos Unités)
  • les missions spécialisées auprès des jeunes (tel que mentionné, plus de 10 Unités ont fait une claire option dans cette direction)
  • le dialogue interreligieux
  • le ministère des médias
  • le travail auprès des peuples autochtones
  • la pastorale des émigrants
  • la mission à l’intérieur d’une société sécularisée (plusieurs Unités ont lancé de nouvelles initiatives, de façon explicite ou, tout autant, sans la caractériser comme telle) du travail au service de JPIC (quelques jeunes Oblats y sont intéressés)

Au niveau plus large de la Congrégation, les tendances suivantes peuvent être notées, et elles se traduisent encore en appels dirigés vers nous :

TOUT AU LONG DES DERNIERS DOUZE ANS, NOUS AVONS MIS L’EMPHASE SUR LE RENFORCEMENT DES UNITÉS EXISTANTES.  

Quelques-unes de nos Unités ont acquis de nouvelles forces en accueillant du personnel de l’extérieur, même pour des postes de commande. On a eu ainsi des résultats positifs dans des endroits tels que le Pakistan, la Corée, le Japon, la Chine, le Zimbabwe, la Zambie, la Namibie, le Paraguay, le Venezuela et d’autres.

En arrière-plan de ces tendances, un nouveau concept de mission est en train de naître, qui nous lance de nouveaux défis. Tandis que nous annonçons Jésus Christ et le Royaume de son Père, en essayant de percevoir dans quel sens souffle le vent de l’Esprit, tout en édifiant une Église au service du plan salvifique de Dieu, nous prenons nos distances vis-à-vis d’un concept de mission qui transplante la civilisation des pays d’où nous venons. Presque partout où nous allons, les Églises locales sont déjà établies et nous devenons leurs partenaires, sous la gouverne de leurs évêques, en apportant la contribution de notre esprit missionnaire de façon à les rendre plus vivantes.

Pareillement, aux frontières de la mission ad gentes, les choses ont changé. Tandis que nous reconnaissons avec gratitude que le trésor de  la foi a effectivement été partagé avec beaucoup de gens, nous avons pris conscience de nos erreurs du passé et de nos limites présentes. Dans la sphère de notre travail auprès des peuples autochtones, nous sommes maintenant prêts « à reconnaître humblement les dommages culturels, spirituels, physiques et psychologiques : le ‘centralisme ethnique’ des missionnaires qui ont ignoré la diversité culturelle »  et, de concert avec la Conférence des évêques latino-américains (CELAM), nous sommes prêts à « voir les indigènes comme des frères et les enfants d’un même Père, Dieu » . Pareillement, dans d’autres secteurs, nous définissons la mission de nouvelle façon, en soulignant par exemple le « dialogue de la vie » au sein du Dialogue interreligieux  ou par le biais de l’apostolat de l’écoute, dans les « centres d’écoute », situés dans des milieux sécularisés.

NOS NOUVELLES FONDATIONS SONT POUR LA PLUPART UNE RÉPONSE À L’OUVERTURE DES ANCIENS PAYS COMMUNISTES APRÈS 1989

Il n’y a en réalité que quatre nouvelles fondations depuis 1998 : la Roumanie, le Belarus et la Guinée-Bissau. La tendance a été de se diriger vers d’anciens (ou d’actuels) pays communistes (nous sommes maintenant présents dans environ une demi-douzaine d’entre eux).  Comment pouvons-nous donner un appui suffisant à ces nouvelles fondations ?

NOUS DEVONS SONGER À FERMER ENCORE QUELQUES ENDROITS

À tout prendre, nous demeurons démesurément étendus et trop dispersés. Nous aurons à considérer une  consolidation supplémentaire  de nos ressources en fermant d’autres missions dans l’avenir. Au moment présent, nous poursuivons sur une base ad personam et nous nous sommes déjà ainsi retirés de Tahiti, de la Nouvelle Zélande, de Qua Qua (Afrique du Sud), de Porto Rico et du Surinam  . Des décisions plus radicales seraient requises pour rassembler quelques-uns de nos hommes dispersés ou pour libérer des ressources pour de nouvelles missions. Une extension à outrance et une dispersion ne sont pas observées au seul niveau de la Congrégation, mais elles sont aussi une réalité à l’intérieur des provinces.

UNE STRATÉGIE MISSIONNAIRE EXPLICITE POUR L’ENSEMBLE DE LA CONGRÉGATION?

En ce qui concerne notre stratégie  missionnaire concrète,  le temps est peut-être venu de mettre en œuvre une planification stratégique formelle pour l’ensemble de la Congrégation, et non seulement pour le Gouvernement central. Quelques parties de la Congrégation en font la demande et plusieurs membres du Conseil général y voient une visée importante pour l’avenir. Un tel processus de l’« Immense Espérance» devrait partir d’une analyse des besoins missionnaires du monde, comme l’Église et nous, les Oblats, les voyons, en nous inspirant, par exemple, de nos sessions missionnaires sur la sécularité, les migrants, le dialogue interreligieux, etc. Nous aurions alors à identifier des priorités pour l’ensemble de la Congrégation et harmoniser nos projections avec les ressources disponibles. Si nous souhaitons ouvrir de nouvelles missions ou renforcer de façon significative quelques-unes de celles qui existent déjà, nous aurons alors à réduire notre présence quelque part ailleurs où nous sommes moins en demande. Ce qui exigera un grand esprit de disponibilité de la part de tous et demandera que le Supérieur général déplace quelques personnes vers de nouveaux endroits. Il en résultera que de tels plans d’ensemble peuvent ouvrir de nouvelles perspectives pour le corps entier de la Congrégation !

Rapport au Chapitre, 4ème partie, Appels 4 - 5: INTERCULTURALITÉ, COMMUNAUTÉ


Missionnaires Oblats de Marie Immaculée

État de la Congrégation

Rapport du Supérieur général au Chapitre général de 2010

4ième partie




4.    Parce que les processus du dépassement des frontières et de l’interculturalité sont de plus en plus nécessités dans notre mission d’aujourd’hui, nous sommes appelés à assumer une démarche plus courageuse..


Le dernier Chapitre a mis en lumière le concept d’« internationalité » quand il a déclaré :
 « si [les recommandations qui suivent cette lettre] devaient être teintées d’une couleur commune, ce serait celle de l’internationalité. [] Il y a un désir croissant d’utiliser le mieux possible la force d’être un corps présent dans 67 pays. Nous reconnaissons que si nous partageons nos ressources entre nous plus pleinement, les pauvres en bénéficieront et le mieux-être de toute la Congrégation en sera favorisé. Dans l’avenir notre force ne reposera pas seulement sur une augmentation en nombre, mais plus spécialement sur une intensification de notre solidarité. Chaque partie de la Congrégation est riche à sa façon ». ( Lettre du Chapitre de 2004 Témoins de l’espérance, pp. 9-10).

Trois ans plus tard, l’idée de l’internationalité a été largement endossée à l’Interchapitre de 2007. Toutefois, on y a vu une évolution conceptuelle : d’abord par le biais de la métaphore du passage des frontières, déjà présente au dernier Chapitre .

 Une réflexion récente suggérait qu’il serait plus approprié de parler non seulement d’internationalité mais aussi d’« interculturalité »  .

Il serait superficiel de voir dans ces développements une simple mode. Notre dernier Chapitre connectait cette réalité avec le cœur de notre foi quand il nous rappelait Abraham et Sarah, l’« imprévisibilité du plan de Dieu » et le « vide» opéré par Jésus en lui-même. C’est à partir de ces profondeurs que l’appel à une incessante conversion émerge, de façon « à mettre de côté les stratégies, langues, politiques, programmes personnels auxquels nous tenons et, comme des pèlerins, à laisser derrière nous les bagages inutiles qui peuvent nous ralentir » (Témoins de l’espérance, p.11).

Alors que les notions de passage des frontières et de l’interculturalité sont acceptées parmi nous, le mouvement concret du passage des frontières revêt de nouvelles caractéristiques et a acquis un certain momentum.

Quant aux nouvelles caractéristiques, le schéma traditionnel du mouvement du nord au sud a été complété par des mouvements du sud au sud et du sud au nord. De nouvelles provinces qui envoient au loin apparaissent désormais.

Quant au momentum, on peut remarquer un accroissement dans les années récentes, mais je n’en donne ici que des chiffres d’ensemble. Des 522 premières obédiences données entre 1999 et 2010, 63 étaient destinées à une Unité différente de l’Unité d’origine du candidat, ce qui correspond à 12%. Cela peut paraître bien modeste, mais durant la même période il y a eu 130 changements d’obédience en faveur d’une mission au loin , ce qui double le nombre des premières obédiences en direction d’une autre Unité. Il est devenu  pratique fréquente que tout de suite après la première formation les Oblats soient invités à demeurer dans leur milieu originel pour un certain nombre d’années, et s’ils sont envoyés au loin, ce sera après ce temps. Une telle pratique semble avoir donné de bons résultats. Le graphique à secteurs qui suit démontre de façon visible que parmi toutes les obédiences que j’ai données, environ un quart (24%) étaient pour les missions à  l’étranger.



Il arrive souvent que le franchissement des frontières soit limité à des situations bien spécifiques : à l’intérieur d’une Région, certaines provinces envoient des gens, en d’autres non; une province reçoit plus de monde qu’une autre, etc. On peut observer que ces mouvements pratiques dépendent des invitations claires et insistantes de la part des provinces qui reçoivent et démontrent une franche générosité de la part des Unités qui envoient en sacrifiant certains de leurs meilleurs sujets. Ce sont là des choses qui ne sauraient être imposées par une autorité supérieure, à moins de procéder par obéissance aveugle.


Qu’y a-t-il derrière cette insistance, à la grandeur de la Congrégation, sur le franchissement des barrières, sur l’interculturalité ? Diverses forces sont là en jeu. Côté traction, on trouve  des besoins dramatiques de personnel dans certaines de nos missions qui crient à l’aide. Il y a les besoins missionnaires que des Oblats ressentent comme urgents : des espaces ruraux abandonnés ou des espaces urbains, des endroits où des fondamentalistes islamistes ou chrétiens avancent rapidement, des occasions comme celles de la Chine, l’immigration, le besoin de dialogue interreligieux, le retrait silencieux dans les zones sécularisées, etc.

Quant au facteur de poussée en avant, il y a le désir authentique de jeunes ou moins jeunes Oblats de devenir missionnaires au sein d’un autre environnement culturel. On doit aussi considérer que certaines de nos Unités ont tellement de vocations qu’elles en débordent. Dans le cas des mutations du sud au nord, l’occasion de trouver un appui pour notre vie oblate et notre mission joue aussi un rôle. Certains sont envoyés par leur province-mère pour gagner quelque revenu au profit des Oblats, en particulier pour maintenir les maisons de formation. À l’occasion, l’on trouve aussi des feuilles de route personnelles et non supervisées qui motivent des Oblats à aller au loin : le désir d’aider leur famille, ou l’attraction de ministères ou de styles de vie particuliers.

Tout compte fait, on ne saurait passer sous silence qu’il existe, chez bon nombre de missionnaires du sud, le désir sincère de s’attaquer à des défis missionnaires tels que la sécularité et l’invasion de l’Islam dans les pays du nord dits chrétiens. De tels missionnaires sentent parfois que leur bonne intention est interprétée de façon erronée par des Oblats ou des laïcs du Nord, qui accueillent leur bonne volonté avec suspicion et préjugés. Au contraire, ils voudraient bien avoir plus de liberté pour inventer de nouvelles façons de faire mission, tout comme dans le passé les missionnaires du nord ont fait dans le sud. Les Oblats du Nord doivent les recevoir volontiers, et ces derniers ne devraient pas être amenés à se sentir comme des mendiants demandant une faveur.

Comment donc traiter les invitations aux Oblats du Sud à venir au Nord? Quelle sorte d’invitation émettre à venir missionner ? De combien de gens aurait-on besoin ? Les communautés sont-elles prêtes à les recevoir ? La réflexion sur ces questions doit se poursuivre. Bien sûr, les Églises locales du Nord ont à se demander : dans un pays donné, combien de membres du clergé devraient être issus de l’endroit, combien pourraient venir d’ailleurs ? Le but ne peut être de remplir des vides ou de trouver des solutions faciles à la pénurie de vocations locales; au contraire, dans le monde sécularisé nous devons travailler encore plus fort pour attirer des vocations locales nécessaires à l’inculturation de l’évangile. Un procédé empirique pourrait être que l’Église et ses ministres soient interculturels dans la même mesure que la société l’est elle-même. En outre, il y encore place pour des signes spéciaux et prophétiques.

Nous devons parler de tout cela et dépasser les obstacles qui existent dans ce domaine important. On y a besoin d’encouragement et de générosité.

Je voudrais mentionner trois questions pratiques dans ce domaine.


(a)    Certains de nos confrères oblats sont passés dans d’autres pays par des voies non habituelles, comme, par exemple, en y demeurant suite à des études avancées. Pourrait-on empêcher cela d’arriver ? Si nous faisons tout ce qui est possible pour que chaque Oblat qui va à l’étranger puisse vivre dans une communauté de l’Unité qui le reçoit, ça pourrait aider. Souvent il ne revient qu’à bien choisir le candidat qui va étudier et de quelle façon il le fait,  de telle sorte qu’il puisse aider la mission de la Province. En effet, l’esprit de corps avec l’Unité à laquelle on appartient devrait être la raison première pour permettre des études avancées.

(b)    L’on observe parfois une tendance à créer un environnement fondé sur la culture  d’origine de quelqu’un, à tel point que cet espace n’est plus ouvert aux autres. Cela peut arriver de deux façons : par des missionnaires qui vont à l’étranger sans être réceptifs à la culture locale, et par des vocations locales qui sont toutes de la même culture. Dans une congrégation missionnaire comme la nôtre, un effort conscient est nécessaire pour dépasser les tendances à créer des environnements monoculturels.

(c)    À mesure que le passage de frontières s’intensifie, on peut observer le phénomène des ententes interprovinciales pour l’assignation du personnel. Cela établit un lien semblable au  jumelage pour en arriver à un véritable échange de cadeaux. On devrait toutefois insister sur le fait que le centre de la Congrégation est toujours consulté et informé de telle sorte que puisse être assurée la coordination souhaitable et que soient accordées les permissions nécessaires. En 2007, une politique concernant ces déplacements a été émise pour la Congrégation . D’après ma propre expérience, je recommande même que l’on demande alors l’approbation explicite du Supérieur général.

Jusqu’où doit aller la tendance à l’internationalité-interculturalité?  Où donc l’Esprit nous appelle-t-il ? La tradition de notre Congrégation est différente de celle des instituts purement missionnaires dans lesquels chacun, par principe, doit quitter son propre pays. Je crois que nous ne devrions pas changer notre propre tradition à cet égard; personne ne devrait être forcé à quitter son Unité s’il n’est pas motivé à le faire. Mais d’un autre côté, tout ne doit pas être laissé à l’initiative et au zèle missionnaire des Oblats individuels;  on a besoin de choix corporatifs pour la mission à l’étranger. Le processus de l’«Immense Espérance» peut aider à définir ces choix, et les provinces qui ont affirmé par écrit qu’elles sont prêtes à envoyer des gens à l’étranger ou à recevoir des Oblats venant d’autres parties du monde  en ont obtenu  des résultats positifs.

Pour faire en sorte que cela se répète, nous devons faire plus d’efforts pour développer la culture du ‘passe-frontières’ par le biais de la formation première.

Des pas importants ont été faits en ce sens dans certaines Régions par la consolidation des maisons de formation et par des efforts de formation régionale. Nous y reviendrons lorsque nous discuterons de formation.

5.    La vie communautaire et la vie religieuse sont plus intensément estimées, mais nous sommes tout de même invités à en offrir une animation plus sérieuse.


Dans le domaine de la vie communautaire, on a connu un vrai développement durant les derniers 18 ans, dans ce sens que vivre en communauté est désormais reconnu comme une partie essentielle du charisme oblat et non pas seulement comme un ajout fortuit. Cela va de pair avec une plus claire acceptation de nous-mêmes comme religieux. De plus, en pratique, la Congrégation se dirige lentement vers une meilleure vie de communauté après des époques où la tendance semblait être vers la dispersion. On avait délaissé la vie commune en certains endroits, souvent en raison du fait que nous avions été les fondateurs de l’Église dans ces lieux-là et que, pour un temps, nous y jouions le rôle du clergé diocésain. Le retour n’est pas encore complet, et en conséquence la « conversion à la communauté » a été en 2009 un des trois sujets du matériel préparatoire au Chapitre. 

Il nous est bon de reconnaître que le besoin de conversion dans ce domaine tire sa motivation des  profondeurs de notre foi. Vita consecrata avance que la communauté est « une sorte de témoignage en faveur de la Trinité » (VC 41). Ainsi, les communautés expriment de façon spéciale ce que l’Église elle-même est supposée être et elles sont du même coup des cellules vivantes de l’Église : « nous devenons une cellule vivante dans l’Église » (C 12). Le Chapitre de 1992 est allé très loin en affirmant : « Rechercher activement la qualité de notre communauté  : voilà bien notre première tâche d’évangélisation ». (TCA 7)

De quelle façon sommes-nous appelés à la conversion dans ce domaine ?

Un défi évident réside dans le changement des structures. Les statistiques démontrent que nous avons encore un bout de chemin à faire quand elles nous disent que, selon les données disponibles, en 2010, 18% de tous les Oblats vivent seuls après leur première formation; cela est déduit du fait que 634 de nos confrères ne vivent à la même adresse avec aucun autre Oblat. Le pourcentage varie selon les Unités entre 0% pour 15 des plus petites Unités au plus bas de l’échelle, selon lequel aucun des 120 Oblats ne vit seul, et une moyenne de 37% pour les 17 Unités au plus haut de l’échelle, selon lequel 499 des 1338 Oblats vivent seuls. Il y a aussi des différences selon les Régions. En Europe de l’Est, le pourcentage des Oblats vivant seuls est la moitié du pourcentage dans les autres secteurs de la Congrégation.

La Congrégation des Oblats ne peut être un simple agrégat d’individus réunis par hasard; en conséquence, elle doit s’efforcer de faire plus de progrès en termes de vie communautaire apostolique et d’intelligence de la mission comme découlant de la communauté. Comme on peut voir, il y a des structures qui favorisent la dispersion et celles-ci doivent changer. Considérant que, selon nos Constitutions, au moins trois Oblats devraient constituer une communauté , quelques Unités ont adopté la démarche audacieuse de se réorganiser en communautés de trois. Dans plus d’une situation, toutefois, nous trouvons seulement deux membres dans une communauté, ou bien les missionnaires vivant seuls se retrouvent ensemble une fois par semaine ou trois fois par année. Les districts, les zones et autres formes de regroupement jouent un rôle important d’animation dans de tels cas, mais à la longue ils ne peuvent remplacer la vie commune régulière.

Au-delà des structures, un deuxième défi réside dans le fait que dans plus d’un endroit, nous en sommes encore à chercher un modèle valable de vie commune locale. Nous connaissons le modèle monastique. Il a été essayé et testé. Mais pour des religieux actifs qu’est-ce qui sert le mieux la vie et la mission ? Les questions suivantes demandent encore une réponse complète :

  • Comment vivre ensemble de façon harmonieuse, en vivant comme religieux,  travaillant comme des missionnaires actifs,  et trouvant un bon équilibre entre la vie commune et le travail ?
  • Comment organiser un rythme commun de vie de prière, de récréation et de planification du travail, prenant en considération le fait que nous appartenons aussi bien à plusieurs autres groupes ?
  • Comment manier les décisions, les finances et les situations de crise au plan  local?

Les communautés, tout comme les familles, sont fortement influencées par la culture environnante. Avons-nous la force d’aller à contre-culture, si nécessaire ? D’autre part, l’environnement peut aussi fournir un bon encouragement et un enrichissement pour la vie commune, comme cela a été le cas avec les Oblats associés.


Un troisième défi concerne le leadership. Il est souvent suggéré que les supérieurs locaux ont besoin d’une formation adéquate; nous avons en tête le profil d’un supérieur qui serait capable d’animer, d’organiser et de mener sans devenir un contrôleur qui s’empare de la liberté accompagnant toute vie adulte. En général nous assurons le service de supérieurs entraînés pour le temps de la formation première durant rant lesquelles les communautés sont relativement grandes, mais pour les communautés de ministère, il y a encore plus à faire à cet égard.

Enfin, il serait utile si, comme Oblats, nous pouvions définir plus clairement ce qui constitue une communauté pour nous.

Depuis les années 1960, nous avons fait l’expérience de divers modèles. Dans notre présente Règle, les communautés de district sont considérées comme des communautés locales. Elles offrent une expérience de vie communautaire; par exemple, dans le Nord canadien, les missionnaires vivant dans des endroits très peu peuplés ne peuvent recevoir de soutien et expérimenter un sentiment d’appartenance qu’à travers leurs districts, mais je me demande bien si les districts ont jamais été conçus pour remplacer la vie sous un même toit, à tout le moins jusqu’au point  où c’est devenu une pratique. En fait, la discussion concernant le rôle des communautés de district n’a jamais cessé. Le terme lui-même n’en est-il pas ambigu, cachant souvent le fait que des Oblats vivent seuls ?

Ma question est de savoir s’il ne vaudrait pas mieux  changer notre terminologie. Ne devrions-nous pas appeler ‘vivre seul’ ce que c’est en fait, et réserver le terme de ‘communauté locale’ à un groupe d’Oblats qui partagent effectivement une demeure commune ? Nous prendrions toujours bien soin de ceux qui vivent seuls ; eux aussi doivent être rattachés à une communauté locale, et des structures d’animation seront toujours nécessaires, telles que  le district ou la zone ou le secteur. Non seulement les Oblats individuels mais aussi les petites communautés locales peuvent grandement bénéficier des structures d’animation (districts, lieux, etc.), avec un leadership approprié à ce niveau, par exemple, un coordinateur ou un animateur. Le Chapitre devrait-il prendre sur lui de changer notre présente définition de la « communauté locale » ?

Nous aurions peut-être dû parler de la vie religieuse selon les vœux avant de discuter de la communauté,  mais qu’est-ce qui vient en premier ? Le célibat et la communauté sont envisagés par certains comme les seuls éléments constitutifs de toute vie religieuse .  Nos communautés sont caractérisées par les vœux, et nos vœux nous constituent en communautés. Les deux constituent ensemble notre façon particulière de vivre à la suite du Christ. De toute façon, un rapport sur l’état de la Congrégation ne doit pas seulement analyser nos structures communautaires mais aussi s’adresser à  notre fidélité à la vie évangélique selon les vœux. Encore ici, une conversion est nécessaire ! J’ai consacré trois de mes lettres circulaires à ce sujet, en essayant de mettre en lumière l’importance de vivre de façon engagée.

Comment nous sentons-nous ? Je crois que la qualité de notre vie consacrée peut être mesurée indirectement en examinant quelques paramètres importants.

L’un d’eux est le fait d’être centrés sur le Christ. Ici nous devrions nous demander : Quelle importance a pour nous la méditation commune de la Parole de Dieu, par exemple  la lectio divina ? L’oraison  est-elle pour nous une pratique courante ? L’avenir ne repose pas seulement dans le fait de devenir de simples organisations dévorées par l’activisme; nos communautés ont besoin d’être profondément enracinées dans le mystère pascal et cela doit aussi se révéler dans notre horaire !

Une autre façon d’évaluer nos vœux est de vérifier la fréquence et la qualité de nos rapports fraternels. Il est vrai que nos vœux peuvent être vécus de façon individuelle, mais ils trouvent leur pleine expression seulement quand des Oblats vivent ensemble avec leurs frères. C’est en communauté que notre obéissance est vécue par le fait de donner du temps l’un à l’autre, de planifier notre mission ensemble et d’être disponible quand on en vient à prendre des décisions; c’est là que la persévérance donne de la stabilité à nos entreprises missionnaires communes; c’est là que la pauvreté se traduit par le fait de posséder toutes choses en commun, de partager nos revenus avec les autres et avec les pauvres; c’est en communauté que nous trouvons de la place pour l’intimité dans la prière et dans les relations fraternelles, de façon à faire de notre chasteté l’ expression d’un grand amour.

Par-dessus tout, la vie consacrée est une façon d’être chrétien. Si l’un de nous était condamné à la prison pour avoir été chrétien, y aurait-il assez d’évidence contre nous ? Personnellement, je pourrais me préoccuper de la crise personnelle d’un membre de la communauté ou des difficultés de notre travail à l’extérieur, mais ce qui me bouleverserait vraiment est si le vin de la charité venait à manquer sur notre table. Comment être des apôtres s’il y a entre nous de l’ambition, du commérage, de l’inimitié et ainsi de suite ? C’est la responsabilité de  nous tous  et surtout du supérieur local de travailler aussi rapidement que possible pour arriver à la réconciliation en ce domaine.

Un bon indice pour une vie religieuse en santé est la présence des Frères. Je dois dire que je m’inquiète quand je découvre que la proportion des Frères dans notre Congrégation a diminué de plus d’un cinquième dans l’espace de 12 ans, surtout dans nos Régions les plus jeunes. Sentons-nous encore que le charisme de la fraternité est essentiel à notre Congrégation et qu’il donne un arôme spécial à notre mission oblate?

Nous ne pouvons pas prétendre que notre vie consacrée sera exempte d’échecs. Quelques Oblats quittent la Congrégation chaque année; le nombre et la proportion semblent avoir légèrement diminué (de 1.7% à 1.6%). Il est malheureux qu’un Oblat nous quitte, même si faire face à la réalité vaut mieux que mener une double vie. La manifestation publique des scandales, de concert avec ses conséquences financières, a forcé certaines de nos Unités à chercher la clarté dans les relations et la pratique professionnelles, mais il y a encore beaucoup à faire pour dépasser des situations ambiguës. C’est un acte de charité que de ne pas tolérer une conduite incompatible avec la vie consacrée.

Finalement, nous devons examiner à quel point notre vie consacrée est vue comme prophétique. Est-ce que notre style de vie parvient à convaincre par sa simplicité, par son respect de la création ? Nos communautés sont-elles accueillantes, particulièrement à l’égard des pauvres ? Nos maisons sont-elles perçues comme des endroits où les gens viennent pour trouver des ressources spirituelles ? Sommes-nous des prophètes de justice et des pacificateurs actifs ? Il revient aux gens de l’extérieur, incluant nos associés laïcs, de nous dire la vérité.

Il y a des gens qui doutent de l’avenir de la vie religieuse dans l’Église, surtout dans sa forme apostolique. Ces doutes s’élèvent peut-être en raison des scandales, ou peut-être à cause du nombre de religieux qui diminue dans certaines parties du monde. Certains pensent que l’avenir appartient aux Mouvements. D’autre part, la vie religieuse apostolique s’accroît dans plusieurs parties du monde et  de nouveaux instituts se fondent. Bien sûr, on a besoin d’une réflexion continuelle. La profondeur spirituelle et un profil clair qui nous rendent visibles et transparents sont essentiels. Je trouve significatif que les Unions de Supérieurs Généraux sont à préparer un symposium pour le début de 2011, pour réfléchir particulièrement sur la vie religieuse apostolique.

La communauté locale est l’endroit où devient tangible notre besoin de plus de conversion. C’est le Christ qui doit devenir le centre de toutes nos communautés locales, presque visible à l’œil nu par le biais de notre prière commune, notre amour mutuel, notre partage des biens temporels, notre hospitalité et la portée de notre apostolat.


Rapport au Chapitre, 5ème partie, Appels 6 - 8: FORMATION, GOUVERNANCE, FINANCES


Missionnaires Oblats de Marie Immaculée

État de la Congrégation

Rapport du Supérieur général au Chapitre général de 2010

5ième partie




6.    La qualité de la formation première et de la formation continue s’est améliorée, mais il nous faut aller encore plus loin pour dépasser ces frontières.


Mon impression d’ensemble est que la Congrégation offre à ses membres une formation de bonne qualité. Notre formation première défend d’excellentes valeurs; elle s’applique à promouvoir  :

  • La suite de Jésus Christ selon le charisme oblat
  • L’amour missionnaire des pauvres du monde d’aujourd’hui
  • La disponibilité aux besoins de l’Église
  • Le fait d’être centré sur la communauté
  • Le fait d’être centré sur la personne, etc.

En général nous marchons dans cette direction. Le fait que nous ayons produit nos directoires locaux de formation sur cette base constitue un pas important dans le sens de la coopération même au-delà des frontières de chaque Unité. L’une de nos faiblesses est le manque de formateurs compétents, ce qui est aggravé par un trop grand nombre de maisons de formation.

Notre formation continue est souvent organisée, aujourd’hui, en  groupes d’âge, comme par exemple les gens des premiers cinq ans de ministère, les gens d’âge moyen, les aînés au-delà de soixante-dix ans, etc. Il est de plus en plus accepté que cette formation ait « sa place dans le contexte d’une communauté apostolique », « dans un processus d’évangélisation réciproque » (C 48) et pas seulement par le biais de séminaires et d’études. Quant aux activités extraordinaires, les congés sabbatiques ont tendance à être plus centrés et planifiés, visant à approfondir nos vies selon notre charisme oblat.

Les études avancées sont entreprises de diverses façons selon la culture de la province; tandis que dans telle Unité, ce n’est que par exception rare que quelqu’un  entreprenne des études supérieures, allieurs, presque tous les Oblats s’attendent à jouir d’un congé d’études au bout de quelques années de ministère. On peut observer que la responsabilité d’une Province vis-à-vis d’un Institut d’enseignement supérieur ou de certains ministères comme le counseling ou l’administration, peut aider à mettre au point le plan de ces études. Les études devraient toujours être planifiées en fonction des besoins missionnaires de la communauté oblate dans son ensemble.

Au niveau de la Congrégation, on a eu tendance à offrir plus de chances de formation continue par le biais de l’Administration générale. Les sessions pour les nouveaux supérieurs majeurs, l’Expérience de Mazenod et les sessions de formation à l’intention des formateurs se sont poursuivies; les offres d’entraînement pour les trésoriers (à Rome et dans les Régions) et pour le JPIC se sont accrues, et des sessions de planification, animées au niveau de l’Unité par des membres du Conseil général, ont été mises sur pied. Une large part de notre contribution annuelle tirée du fonds de Solidarité est versée au financement de la formation continue et, en particulier, pour les études supérieures.

Dans tout le domaine de la formation, plusieurs soucis se présentent qui doivent être reconnus et honnêtement confrontés :

1)  Dans certains cas, il y a disproportion entre les efforts investis dans la formation et le résultat obtenu.


La durée moyenne du processus de formation s’est allongée. Tout le processus est devenu prolixe : l’amalgame d’une ou deux années de prénoviciat, le noviciat, cinq ou six ans d’études, la régence et l’initiation pastorale aboutissent  facilement à une  période de première formation étendue de huit à onze ans, sans compter d’autres programmes comme le juniorat (en Asie surtout), des communautés de jeunes et autres programmes associés. Devons-nous nous demander comment cela se compare avec des carrières académiques analogues dans chaque pays ?


En regardant les 15 dernières années, on observe le fait qu’une moyenne de 53% de ceux qui ont fait leur première profession prononcent aussi leurs vœux perpétuels. Il y a des différences entre les Régions, mais on doit prendre en compte que dans quelques endroits la philosophie est étudiée avant la première profession, et après en d’autres régions. Quoi qu’il en soit, le tableau ci-dessous montre bien qu’il y a des variantes tout au long des trois périodes passées de cinq ans quant au pourcentage des gens en formation qui prononcent chaque année leurs vœux perpétuels.



Dans le même temps, on a le phénomène qu’un nombre de jeunes Frères, prêtres ou même diacres, même au bout d’une longue période de formation, se heurtent à des difficultés sérieuses et quittent la Congrégation. Un sur dix religieux parmi ceux qui ont prononcé leurs vœux perpétuels dans les derniers 15 ans nous a ainsi quittés.

Ces deux soucis concernant la durée de la formation et les problèmes de persévérance, nous les partageons avec d’autres groupes dans l’Église. Même aux échelons les plus élevés, on pose la question : Notre formation ne crée-t-elle pas en définitive des individus dépendants par le simple fait que nous les avons mis si longtemps à l’abri ? Notre formation ne crée-t-elle pas des attentes déraisonnables concernant les défis de la vie réelle?  La taille de nos groupes de candidats est-elle juste et, dans la mise sur pied de notre système de formation, comment pouvons-nous créer des groupes qui ne soient ni trop petits ni trop grands ? Quelqu’un a émis l’idée géniale  que nous devrions étaler la formation sur une plus longue période, coupée entre-temps par quelques années de travail missionnaire. À l’Intercapitulaire on a aussi suggéré d’examiner nos critères d’acceptation des candidats; on pensait alors que nous avions besoin d’un meilleur discernement.

De telles questions vont nous accompagner pour un temps. Une conclusion que nous pouvons déjà en tirer est que nous avons besoin d’un nombre suffisant de formateurs qualifiés, prêts à assumer le ministère de la formation pour une  longue période de leur vie.

2) Longtemps nous nous sommes plaints du manque de formateurs qualifiés,  un problème qui est maintenant aggravé par notre difficulté à réduire le nombre de nos petites maisons de formation


Durant les derniers 24 ans à tout le moins, le manque de formateurs qualifiés a été sans cesse mis en lumière . C’est souvent la conséquence du nombre considérable de maisons de formation que nous maintenons, même si nous n’avons que peu d’étudiants. Nous dénombrons présentement 30 scolasticats (ou post-noviciats) , dont 16 ont plus d’une douzaine de résidents en formation. Au crédit de certaines parties de la Congrégation, on doit dire que la difficulté des petites maisons de formation a été envisagée avec succès dans certaines Régions et Sous-Régions, et aussi dans le contexte de la restructuration de petites Unités à l’intérieur de plus grandes provinces. Des rencontres entre les formateurs, la mise en œuvre de critères et de directoires communs de formation, et le fait de suivre les Normes générales pour la formation oblate, ont normalement préparé la voie à de telles  démarches. Je suggère que le Chapitre garde en tête le besoin d’équipes de formation qualifiées lorsque nous discuterons des structures de la Congrégation.

Un récent rapport, préparé par le détenteur du portefeuille de la formation, le p. Paolo Archiati, a ce qui suit à dire: (je résume)

La formation n’est peut-être pas considérée par tous les Oblats comme un ministère prioritaire dont dépend la qualité, non seulement de nos missionnaires, mais aussi de notre mission. Nous sommes « les spécialistes des missions difficiles », mais la formation peut bien être, aujourd’hui, la mission la plus difficile !

Nous avons des maisons de formation qui comptent trop peu de formateurs, des noviciats avec le seul maître des novices comme formateur. Ma proposition ici serait que dans nos noviciats il y ait, en plus du maître des novices, au moins un autre formateur (R 57a) et qu’il y ait une équipe d’au moins trois Oblats dans nos post-noviciats.

Nous ne devrions pas avoir un noviciat ouvert avec moins de trois novices, ni un post-noviciat ne comptant pas moins de sept ou huit candidats.

Je ne puis qu’être d’accord avec de telles observations. En théorie, on pourrait penser à plusieurs solutions quand le nombre de candidats à former est trop petit : des maisons de formation interprovinciales, des maisons de formation régionales, des maisons partagées entre plusieurs congrégations à l’intérieur d’un pays donné (cette hypothèse n’a pas encore été essayée) ou distribuer nos étudiants à la grandeur de la Congrégation. Le rapport ci-dessus mentionné poursuit :
 
Les noviciats! Nous en avons aujourd’hui 22. Ils sont trop nombreux. Je suggère deux noviciats dans chaque région. Les post-noviciats!  Nous en avons 30. Ils sont aussi trop nombreux. Ma suggestion ici serait la suivante : un post-noviciat pour le Canada et les USA, deux pour l’Europe, deux pour l’Amérique latine, quatre chacune  pour l’Asie et l’Afrique. Ici encore, je laisserais aux conférences régionales d’étudier la mise en œuvre et les détails. Cette proposition réduirait le nombre de nos post-noviciats à 13.

Si la recommandation ou l’observation du p. Archiati était suivie, la Congrégation serait mieux équipée pour diriger avec efficacité les neuf noviciats et les treize post-noviciats – dans les deux cas avec des formateurs qualifiés représentant le caractère international de la Congrégation.

Il y a plusieurs façons d’arriver à une décision à ce sujet : par des arrangements entre les provinces, par quelques changements dans les Règles qui donneraient aux Régions certains pouvoirs, ou par de fortes décisions émanant du Supérieur général en conseil. Selon les présentes Constitutions et Règles, le Supérieur général en conseil a le pouvoir de confirmer la désignation des formateurs et d’approuver les post-noviciats et les noviciats. Même si ce procédé pouvait être utilisé de façon plus active pour en arriver à un nombre plus rationnel de maisons de  formation, il serait sage que le Chapitre dicte quelques lignes à cet égard.

3) Une formation spécifiquement missionnaire et interculturelle est déjà offerte mais elle n’est pas encore disponible partout.


Une formation spécifiquement missionnaire n’est pas toujours accessible à nos étudiants puisque, pour nos études, nous tirons parti des disponibilités diocésaines qui nous offrent de l’entraînement pour le travail en paroisse, mais pas nécessairement pour la mission aux plus pauvres et aux plus abandonnés, et ad gentes. Des efforts ont été faits pour enrichir notre curriculum par des cours spéciaux en missiologie, JPIC, médias, etc. Les Oblats ont aussi apporté leur concours à des centres d’études des conférences religieuses, ou ils ont mis sur pied des entreprises nouvelles comme l’Institut de missiologie de Kinshasa, l’Institut asiatique de théologie au Sri Lanka, ou la formation au ministère à San Antonio.

Pour une formation missionnaire pratique, je suis convaincu que chacun de nos étudiants devrait passer un an à l’étranger et dans une culture différente, avec l’occasion d’apprendre une autre langue internationale. Nous prenons conscience de plus en plus que c’est là un besoin très pratique, à une époque, par exemple, où nous cherchons des traducteurs pour notre Chapitre général. Étudier ou missionner à l’étranger dans une culture différente constitue un puissant moyen d’acquérir de la maturité – au niveau humain, spirituel et missionnaire.

Les maisons de formation interprovinciales s’efforcent d’assurer une formation plus missionnaire. Pour l’instant, un tiers de nos scolasticats peuvent être considérés comme internationaux, en prenant comme critère le fait que plus de 10% de leurs candidats viennent de l’étranger. Selon ce critère, environ 36% de nos scolastiques et de nos Frères font l’expérience d’une formation internationale durant leurs études, tandis que 64% ne le font pas. Le tableau suivant illustre cela à partir de nos plus grandes maisons de formation au-delà du noviciat.



Dans ce contexte, il convient de mentionner que notre Scolasticat romain international  a très bien servi la Congrégation durant les 129 ans de son histoire. Et encore, durant les années récentes, il a été presque rempli à capacité, c’est-à-dire 23 étudiants. Il continue à avoir besoin de l’aide de la Congrégation en termes de formateurs et d’étudiants. Il vaut la peine de noter encore qu’aux Philippines - résultat du dernier Chapitre général - un scolasticat régional international  se dispose à ouvrir ses portes l’an prochain.

4 ) Les études supérieures doivent devenir plus étroitement liées aux besoins de la mission.


Les études supérieures sont d’un grand potentiel pour favoriser la façon dont nous comprenons notre mission et en pratique, pour incarner et inculturer l’Évangile. Du même coup, elles exigent beaucoup de ressources en termes de personnel talentueux et de finances. Comment pourrions-nous devenir plus proactifs et plus rentables dans ce domaine ? Pour un Oblat, le désir d’étudier devrait être jumelé avec les besoins d’une mission particulière, que ce soit l’enseignement, les ministères spécialisés ou l’administration. Nous avons une tradition d’études avancées appuyant la formation, mais qu’en est-il de l’appui d’autres « sentiers d’évangélisation » ? Les sciences humaines particulières peuvent nous aider à mieux interpréter comment nous devrions répondre à notre cadre d’existence.

7.    Une bonne réorganisation de la gouvernance a été menée à terme, mais il nous faut encore adopter d’autres lignes de conduite.


La présente assemblée aura à décider de quelle façon nous voulons continuer sur la route qui saura adapter notre organisation aux besoins de la mission. Quand on discutera des changements possibles, notre attention devra se centrer sur nos valeurs. Des valeurs en compétition comme l’interculturalité face à l’inculturation, la centralisation face à la subsidiarité, le leadership efficace face au confort familial, méritent d’être bien envisagées et pesées l’une par rapport à l’autre.

Les chiffres méritent aussi notre attention. Ce qui a poussé le Chapitre de 2004 à commander une étude sur la gouvernance est le fait que notre Congrégation est aujourd’hui 45% plus petite qu’en 1966, alors qu’elle était à son sommet.

La croissance des provinces, des délégations et des missions oblates est naturellement inégale. Quelques-unes de nos délégations, par exemple, se sont accrues rapidement : la Zambie, l’Inde, le Pakistan, le Sénégal et l’Ukraine ont toutes augmenté, dans les derniers neuf ans, de 80% et plus. Toutefois, nous ne saurions nous attendre à ce que cela advienne partout. Quand nous analysons la croissance d’une province ou d’une délégation et que nous réfléchissons sur les raisons complexes qui se trouvent derrière la  croissance ou la décroissance, nous nous rendons compte que la richesse en vocations est surtout un don et, à une moindre échelle, le fruit de nos efforts. Alors que nous envisageons une croissance inégale, il est tout à fait naturel que nos structures s’adaptent à ces nouveaux développements. Dix de nos plus grandes Unités ont perdu 20% et plus de leurs effectifs durant la même période de neuf ans. La Congrégation a répondu à ces changements par le biais d’un bon nombre de processus de restructuration. Ils ont été entrepris par amour de la mission et de la vie oblate.

Qu’avons-nous appris dans cet exercice de restructuration ? D’un côté, la création de provinces plus étendues a généralement mené à une planification missionnaire plus précise, des procédures de formation plus claires et une administration plus professionnelle. Il est plus aisé de trouver des gens pour des entreprises nouvelles ou pour des tâches spécifiques dans un groupe de 120 plutôt que dans un groupe de 20. Un aperçu clair de l’expérience nous indique que nous devrions mettre à jour l’organisation de notre Congrégation de telle façon que les provinces demeurent assez étendues. D’autre part, nous avons appris que le niveau local ne doit pas être négligé; la création et l’animation de zones, de secteurs ou de districts doivent contrebalancer la dimension plus vaste de la province. Nous avons encore besoin d’apprendre davantage au sujet de structures appropriées à l’intérieur d’une Unité plus étendue.

La restructuration peut encore être nécessaire au niveau de l’Administration générale. Mon expérience des trois dernières administrations me laisse penser que nous avons besoin de moins de législation et de gouvernement, mais de plus d’accompagnement et de suivi administratif pour les décisions. L’idée de mettre en place des secrétariats pour la formation et la mission mérite de recevoir une attention sérieuse. Une convocation moins fréquente du Chapitre rendrait possible une meilleure mise en application de ces changements.

Je me rends compte que des changements structurels peuvent être troublants. Ils exigent une nouvelle réflexion sur nos valeurs et notre intention : ils peuvent nous amener à vivre et à travailler ensemble avec des Oblats que nous n’avons pas bien connus auparavant. D’un autre côté, de tels changements peuvent nous renouveler de façon efficace, comme il arrive dans les familles qui « élargissent leurs tentes » chaque fois qu’un nouveau mariage fait apparaître de nouveaux visages.


8.    La solidarité financière s’est accrue, mais nous sommes appelés à travailler en vue d’une administration plus responsable et d’un accroissement des revenus locaux.


« Nous suivrons les traces d’un Maître qui s’est fait pauvre à cause nous » (C 19) : avec lui nous « proclamons l’arrivée d’un monde nouveau, libéré de l’égoïsme et ouvert au partage » (C 20). Théologiquement parlant, la pauvreté que Jésus a vécue a exprimé l’amour de Dieu pour nous jusqu’à la fin. En termes pratiques, durant sa vie publique, cette pauvreté a été modelée par sa mission en tant qu’itinérant : à l’intérieur de cette épreuve, cela signifiait qu’il a fréquenté les gens qui l’accueillaient et qui étaient ses bienfaiteurs; il a même désigné un administrateur de la bourse commune. En suivant le « Sauveur crucifié » (C.4), notre pauvreté volontaire parlera de la logique de la croix propre à Dieu et nous permettra de   «faire connaître aux plus délaissés le Christ et son Royaume » (C 5). Du même coup, nous avons besoin de certains moyens pour une telle mission. Le principe que nous avons établi est que « les biens temporels de l’ Institut sont avant tout au service de la mission » (C 150).

Le temps de Jésus était différent de celui où notre Congrégation fut fondée, et dans notre relation vis-à-vis des biens temporels nécessités pour la mission, il y a eu bien d’autres changements durant les décennies récentes. Par exemple, nous, religieux apostoliques, comptons moins qu’auparavant sur les revenus issus  de l’agriculture, nous payons plus d’employés, nous dirigeons plus de projets sociaux financés par des donateurs extérieurs et nous comptons de plus en plus sur des revenus à partir d’investissements. Comment tout cela influence-t-il la façon dont nous vivons nos vœux ? Tandis que nous pouvons prendre plus au sérieux la parabole des talents et cherchons à devenir de bons intendants, avons-nous encore la liberté intérieure pour tout partager et pour nous débarrasser de ce qui intervient entre nous et le Seigneur ? De quel type de conversion avons-nous besoin dans ce domaine ? Y a-t-il pour nous un appel à la conversion dans les valeurs mentionnées dans nos Constitutions et Règles, surtout en CC 19-22 ? Je choisis seulement quelques-unes de ces valeurs : une communion plus étroite avec le Christ et les pauvres; apprendre des pauvres; patience, espérance, solidarité; style de vie simple; détachement évangélique; la loi commune du travail; pauvreté volontaire   

Le rapport sur les finances montrera que durant les derniers 12 ans, la tendance a été vers une plus grande solidarité entre nous à mesure que notre Congrégation  se transporte vers les pays les plus pauvres où elle progresse. Tandis que le partage des finances pour des projets spécifiques a continué, l’emphase a été mise sur différentes initiatives: Capital I et II; et la « Missionary Resource Campaign» (MRC) (Campagne de ressources missionnaires).

Nous devons être particulièrement reconnaissants envers certaines provinces qui sont allées au-delà de la contribution que l’on aurait normalement attendue d’elles. Qu’on me permette d’en mentionner quelques-unes : la Province américaine qui a fait de la campagne de la  MRC un succès; l’Espagne, pour sa politique de verser 10% de toutes ses ventes de propriété à la Congrégation; les Provinces anglo-irlandaise et de Belgique-Pays-Bas, pour avoir donné des contributions supplémentaires au Partage du Capital II. Plus récemment, le Brésil a voté une nouvelle politique  de dons supplémentaires annuels versés au Gouvernement central, au service de la Congrégation.

Il est naturel qu’une congrégation qui travaille pour les pauvres et parmi les pauvres  s’en remettre, jusqu’à un certain point, à des réserves financières et des investissements. Mais cela ne peut être qu’un des piliers de la structure financière. Durant nos campagnes de solidarité, on a toujours souligné que les finances provenant de sources extérieures doivent être combinées avec les revenus gagnés par le travail et la levée de fonds locale. L’importance d’une intendance professionnelle a aussi été soulignée. Comme résultat, dans la Congrégation, nous parlons de plus en plus d’autosuffisance des provinces comme but à atteindre, et même comme critère pour devenir une province. Toutefois, nous n’en sommes pas encore rendus au point de convertir en réalité ce pour quoi nous nous débattons. C’est l’animation au niveau local qui fera toute la différence. Quelques Unités ont apporté une attention sérieuse à des ministères qui génèrent des revenus et à des levées de fonds, et elles peuvent à cet égard faire état d’un certain succès.

Les changements dans la Congrégation ont aujourd’hui atteint un point où un autre paradigme financier est rendu nécessaire. Le paradigme du Nord aidant le Sud opère de moins en moins. Dans une famille, on attend des parents qu’ils prennent soin de leurs enfants, mais il vient un temps où les enfants ont à prendre soin de leurs parents. On trouve plus de détails là-dessus dans le rapport du Trésorier général.

Permettez-moi de conclure en mentionnant qu’une des structures affectées par le changement est l’Administration générale elle-même. D’une part, dans le contexte de la Campagne de ressources missionnaires, on a permis que  la valeur nette de l’Administration générale au service de la Congrégation   puisse diminuer. Permettre une certaine diminution a été notre propre décision. D’autre part, la valeur nette a encore décliné durant la crise financière de 2008 et en raison du fait que l’Administration générale a eu à répondre à plus d’une crise financière à l’intérieur des Unités. Comme résultat, le prochain Supérieur général et son Conseil disposeront de moins de moyens financiers pour faire face aux urgences.

La situation est problématique au niveau systémique. Un signe évident de cela a été notre tentative de vendre la présente Maison générale de façon à la remplacer par une demeure mieux accordée à nos moyens. Si nous nous sommes engagés dans cette entreprise tellement débattue, cela a été en réaction à un défi : comment demander moins de fonds à une Congrégation qui n’est pas bénie par l’abondance des biens matériels. Suite au mandat confié par le dernier Chapitre (TE p.61-62),  nous n’étions pas loin d’une solution viable quand nous avons décidé de suspendre le projet en raison de la proximité du Chapitre.

Après une vue d’ensemble de l’état présent de la Congrégation et des tendances les plus importantes que l’on peut y observer, ce rapport doit aussi contenir une partie qui offre un compte-rendu des activités de l’Administration générale durant la période de 2004 à 2010. De façon à ne pas interrompre le flux des réflexions mis en mouvement ci-dessus, j’ai placé cette partie en Annexe.

Rapport au Chapitre, 6ième partie, Conclusion: L'AVENIR


Missionnaires Oblats de Marie Immaculée

État de la Congrégation

Rapport du Supérieur général au Chapitre général de 2010

6ième partie






III.    Conclusion: notre responsabilité présente, en prévision de l’avenir


Quelles conclusions pouvons-nous tirer de notre histoire récente comme Congrégation? Quelles orientations pour l’avenir ? Une invitation qui nous soit adressée de « nous convertir et de croire » (Mc 1) ?

L’Église est un sacrement, c’est-à-dire, un signe prophétique qui communique la grâce de Dieu de façon efficace;  en tant que religieux missionnaires, nous participons d’une manière spéciale à la qualité de l’Église d’être un signe. De quelque façon, le Dieu de l’Amour devrait devenir visible à travers nous, de sorte que les gens puissent découvrir ainsi quelques traits de Jésus le Christ et recevoir l’Esprit du Père et du Fils. Si cela arrive, cela signifie que nous avons été prophétiques.

Les signes ont à s’adapter aux gens et aux cultures qui ont à les interpréter et en conséquence ils passent par des modifications quand le monde ambiant change. Aujourd’hui, les changements culturels semblent s’accélérer. Notre propre Congrégation en a fait l’expérience à mesure qu’elle  passe par une transition démographique depuis plusieurs décennies, une transition qui est devenue très visible et mordante.

Quelle est notre responsabilité historique comme Oblats aujourd’hui ? Différentes opinions ont été exprimées durant la préparation du Chapitre.  Il a été dit, par exemple :

  • Nous devons prendre une direction claire pour la Congrégation pour les prochains 25 ans et non seulement pour les prochains six ans. Regardons vers l’avenir lointain et agissons en conséquence dans l’avenir immédiat.
  • Assurons-nous que les provinces fortes occupent leur place. Il est important que les plus jeunes Oblats, d’où qu’ils proviennent, prennent maintenant plus de responsabilité.
  • Nous devons poursuivre le processus de l’« Immense Espérance» de façon à affronter les changements avec un ferme courage.

A.    Vue d’ensemble


Pour interpréter les défis d’aujourd’hui, nous avons besoin d’une sorte de vision mondiale, une sorte d’analyse de la réalité. Dans les années récentes, il y a eu une certaine résistance à se mouvoir dans une telle analyse, et cette résistance semble être reliée à un changement générationnel.

Dans le monde séculier, les dernières années de la décennie ’80 et les premières de ’90 ont marqué la fin de la plupart des régimes de dictature et, avec elle, la fin de quelques idéologies dominantes. La croissance des technologies de communication a mené à la prise de conscience d’une réalité très complexe, mondialisée mais non unifiée. Tout semblait être relatif. Un vide est apparu dans l’interprétation du monde. La mentalité post-moderne a séduit bien des gens en les satisfaisant d’un bonheur privé, dans la jouissance de l’ici et du maintenant. À l’intérieur d’un marché mondialisé, non régularisé, les problèmes sociaux devinrent plus difficiles à envisager; dans un tel contexte, la pauvreté tirait son origine, moins de l’oppression directe que de l’exclusion dont personne ne semblait responsable. Les cultures locales ont réaffirmé leur identité dans une globalisation antinomique. Les croyances religieuses, mais aussi le fondamentalisme, gagnaient de la force en opposition au sécularisme.

L’humanité s’est aujourd’hui libérée de quelques systèmes idéologiques. Nous sommes pareillement devenus plus réalistes au sujet du vide d’un monde dans lequel tout devient relatif. Parfois nous avons nous-mêmes fait l’expérience de la confusion et nous ne pouvons y trouver un sens. Les pauvres sont toujours là pour nous provoquer à répondre à leurs besoins.

Pouvons-nous dresser une image de l’Église de ces derniers temps, l’Église du nouveau millénaire ?

Les chrétiens, comme tout le monde, sont affectés par la mondialisation et l’absence de justice globale, par les menaces à l’environnement et à une existence pacifique, le sécularisme et, d’autre part, le fanatisme religieux. Dans un temps de communication globale, si quelqu’un trouve une réponse prophétique à ces défis, sa réponse sera largement connue. En même temps, les problèmes internes de l’Église et ses scandales deviennent très visibles.

L’Église est très diversifiée selon le contexte. À l’Ouest, nous avons tendance à penser que nos soucis au sujet des libéraux et des conservateurs, au sujet du manque de prêtres, au sujet des abus affectant les enfants, etc. sont aussi des inquiétudes de premier ordre en d’autres parties du monde. Dans les régions où les chrétiens ne représentent qu’une faible minorité, dans des situations où la corruption est un facteur décisif  dans la vie de tous les jours, ou quand l’alimentation et la sécurité ne sont pas garanties, l’attention des chrétiens porte sur autre chose. Comme Oblats, nous avons la chance d’être présents dans plusieurs contextes de vie, ce qui devrait nous aider à relativiser les soucis de nos églises locales et à trouver ce qui est essentiel pour notre vie de foi. Cela peut faire partie de la mission elle-même que Dieu nous a confiée dans l’Église.

Comment nous,  Missionnaires Oblats, répondons-nous à la présente situation du monde?  Comment cela nous appelle-t-il à la conversion ? À une époque où nous ne pensons plus en termes de deux blocs opposés, où nous sommes devenus allergiques à l’idéologie sans pour autant avoir trouvé plusieurs des réponses que cherchons, nous pouvons encore percevoir que la nature humaine continue à être en besoin de rédemption et que les pauvres ont soif de recevoir la Bonne Nouvelle du Royaume du Christ. Aujourd’hui, c’est le temps d’opter encore pour le Christ, le premier représentant de l’homme nouveau, appelé à une totale communion avec Dieu et avec tous les autres. La façon du Christ d’être humain doit modeler notre vie; nous devons apprendre à aimer le monde avec son propre cœur, en prenant soin particulièrement des pauvres dont les cris atteignent nos oreilles. « Dieu aime ce monde », avons-nous dit au Chapitre de 1998. En tout cela, l’accent sera beaucoup plus sur ce que nous allons vivre comme communautés que sur ce que nous allons enseigner comme individus.

Aujourd’hui est aussi un temps pour vivre notre être comme Église de nouvelle manière. Souvent nous les Oblats, en tant que chrétiens et comme faisant partie de l’Église institutionnelle, nous avons failli, et cela est maintenant rendu public. L’autorité morale de l’Église est sérieusement endommagée et nous ne pouvons blâmer pour cela personne  d’autre que nous-mêmes. Notre place comme membres de l’Église doit être du côté des victimes de tous les abus. En tant que groupe spécial de religieux et missionnaires, nous devrons être sur la ligne de front de ceux qui veulent changer les choses pour le mieux, dans la ligne de ce que nous avons dit dans les Chapitres généraux antérieurs . Imaginons et travaillons pour une Église qui « reflète l’unité existant entre le Père, le Fils et le Saint-Esprit », comme le dit Cyprien, et qui répond aux défis de sa mission dans un monde qui a changé, un monde tout à fait aimé de Dieu.

B.    Quatre impératifs


En me fondant sur ces considérations générales, laissez-moi venir à la fin de ce rapport, proposant une liste de quatre points spécifiques, lesquels, selon ma perception, constituent des impératifs pour nous les Oblats d’aujourd’hui : des communautés centrées sur le Christ, l’amour des pauvres, faire face au changement démographique et l’amour de l’Église. Je crois que nous trouvons ici, de façon concrète, des secteurs où nous avons besoin de conversion plus que n’importe où ailleurs.

1.    Des communautés centrées sur le Christ


Comme religieux missionnaires, nous devons apprendre de nouvelles façons de parler aux gens d’aujourd’hui, apprenant avec eux un nouveau langage. Cela ne pourra arriver que si nous parlons à partir d’une expérience personnelle et communautaire. Comme conséquence de ce Chapitre, notre conversion doit produire une nouvelle qualité de vie communautaire. Nous avons une vocation pour vivre en fraternités dans lesquelles « l’appel et la présence du Seigneur au milieu de nous aujourd’hui [nous] unissent dans la charité et l’obéissance » (C 3). Priant ensemble, lisant les Écritures et célébrant les sacrements comme communautés locales, cela nous conduira vers une nouvelle qualité de présence missionnaire. L’atmosphère spirituelle que nous créons chez nous doit être ouverte au monde et respecter son autonomie – nous avons appris cela à partir de la sécularité – mais elle doit en même temps grandir de façon très intense de sorte que le Christ et sa Parole deviennent de nouveau le centre de nos vies et que la présence de l’Esprit même de Dieu puisse être ressentie.

Comme nous le disions au début du présent rapport, saint Eugène considérait Jésus comme notre Fondateur et les apôtres comme nos devanciers. Rassemblons-nous donc de nouveau autour du Christ qui est au sens vrai le premier Oblat et notre fondateur. Devrions-nous demander à notre mère Marie de nous en montrer la façon et le moyen? Elle a joué un rôle au sein de la communauté des apôtres après l’Ascension et à la Pentecôte, et elle a pris maison avec l’apôtre Jean. Son attitude nous fera découvrir concrètement comment devenir des communautés qui suivent aujourd’hui le Christ alors que tant de choses tendent à nous en distraire. Notre horaire de vie doit montrer qu’Il en est le centre, et seulement avec Lui au centre, pourrons-nous vivre la vie des apôtres. Il n’y a pas de risque que nous devenions trop monastiques pour autant. Après une nouvelle Pentecôte, chez-nous avec le Christ Ressuscité, avec Marie et tous les apôtres nos compagnons, nous allons avancer d’une nouvelle façon jusqu’aux limites du monde.

2.    L’amour des pauvres


Le pape Jean-Paul II disait : « Il est manifestement injuste que quelques privilégiés puissent accumuler un excédent de biens, gaspillant les ressources disponibles, alors que la masse des gens vivent dans des conditions de misère au plus bas niveau de la subsistance ». Il ajoutait que cela est « contraire à l’ordre de la création, un ordre caractérisé par une mutuelle interdépendance » .

Par  mes déplacements à travers la Congrégation et par l’information arrivant au centre de la Congrégation, je suis devenu un témoin de la réalité massive de la pauvreté, souvent ignorée par ceux-là mêmes qui vivent géographiquement très proches d’elle. Mais nous Oblats savons très bien où trouver le pauvre : dans les endroits déchirés par la guerre et les luttes au Congo ou au sud des Philippines, dans les bas quartiers de Sao Paulo ou parmi tous ceux qui souffrent du SIDA dans plus d’un pays, parmi les autochtones ou les gens déplacés et les émigrants, parmi les jeunes désorientés et les aînés abandonnés.

Nous savons aussi que saint Eugène, dès sa conversion, a pris un soin particulier des pauvres et que durant toute sa vie, comme jeune prêtre et comme évêque durant ses dernières années, il les a aimés et s’est tenu proche d’eux. Lui et ses missionnaires ont évangélisé les pauvres, leur parlant de leur dignité comme fils et filles de Dieu, et risquant leur vie parmi eux durant plus d’une épidémie à Aix, à Marseille et ailleurs, devenant ainsi des martyrs de l’amour.

Aujourd’hui, est-ce que nous découvrons la volonté de Dieu dans la mission de notre congrégation d’évangéliser les pauvres ou continuons à faire par inertie ce que nous sommes habitués de faire ? Nos propres saints vont nous montrer la vraie voie ! Quand il est question de solidarité avec les pauvres, nous avons plusieurs martyrs de l’amour et même de sang parmi nos confrères, et ils avaient tous en commun d’aimer les pauvres avec le cœur de Dieu.

De là, nous trouverons des avantages personnels et communautaires en faveur de notre conversion : le pauvre peut, en un sens vrai, devenir un sacrement de la présence même de Dieu parmi nous.

3.    Faire face au changement démographique


Dans notre Congrégation, nous trouvons un énorme changement démographique juste au coin de la rue, et bien des visages en font foi. Nous devons répondre à ce changement avec courage et avec joie. De quelle façon ?

Reconnaissons à quel point nous sommes faibles ! Quelqu’un suggérait durant la préparation au Chapitre que nos aînés avaient besoin de connaître l’état du personnel dans leurs Unités de façon réaliste, mais positive. Nous ne pouvons non plus leur demander d’accomplir des tâches qui sont au-delà de leur âge. Là où l’âge moyen est élevé, nous devons tout simplement faire les changements structurels nécessaires pour servir au mieux notre mission, quels que soient ces changements.

Reconnaissons à quel point nous sommes vigoureux ! Par mes visites, j’ai appris que nous pouvons compter sur d’excellents Oblats, et en grand nombre, dans plusieurs parties du monde. Certains sont encore jeunes mais on pourrait déjà confier à plusieurs d’entre eux  la responsabilité du leadership.

À la logique des statistiques démographiques, nous devrions ajouter la logique du phare. Ne sommes-nous pas trop habitués à mesurer notre pertinence par le biais des chiffres ? N’existe-t-il pas aussi une réalité qui fonctionne d’une autre façon ? Ce qui compte, c’est l’évangile qui est vivant en nous ! On peut voir des phares à plusieurs milles de distance, et leur seule lumière, située à la bonne place, offre aux  marins une meilleure orientation que la mer de lumière d’une ville entière. Ça ne prend qu’un seul saint pour faire toute la différence du monde !

Personnellement, je crois à la valeur inestimable de chaque vocation particulière. Je crois en ces vocations qui nous sont venues en grand nombre comme un cadeau, et je crois tout autant en la valeur évangélique de tout juste une vocation ou deux qui peuvent se joindre à nous en quelque autre endroit. Nous avons choisi d’aimer l’Église dans le célibat, comme le Christ, et cela signifie tout autant que nous ne saurions contrôler le nombre « d’enfants » que nous aurons pour la génération d’Oblats subséquente. Quoi qu’il en soit, un croyant ne demeurera jamais stérile – Dieu peut faire des enfants d’Abraham à partir de pierres et peut mettre un phare en place n’importe où les gens en auraient besoin !

4.    Amour de l’Église


Saint Eugène commençait son livre des Règles, dans sa Préface, par deux mots : « l’Église ».  Alors,  concluons ce texte avec l’Église. Elle n’est rien d’autre que le Corps du Christ; par elle, le Christ continue à pouvoir être identifié dans l’histoire. Nous, Oblats, faisons partie de ce corps. Par notre charisme, nous sommes aussi particulièrement attachés à son sacerdoce; nous sommes, prêtres et Frères ensemble, les héritiers d’un Fondateur qui a voulu donner à l’Église d’excellents prêtres pour guérir ses blessures les plus douloureuses. La Préface dit encore : « si l’on pouvait formerdes hommes apostoliquesqui, après s’être pénétrés de la nécessité de se réformer soi-même, travaillassent de tout leur pouvoir à convertir les autres ».

Nous, Oblats, pouvons parfois ne pas être conscients du rôle important que nous jouons dans l’Église; prêtres, Frères, associés, amis, - nous offrons  tous et toutes à notre Mère l’Église notre passion pour le Christ, notre amour des pauvres, notre sens de la justice globale, notre proximité des gens, notre interculturalité, notre sens de l’hospitalité, notre familiarité avec Marie, notre loyauté envers l’Église elle-même, et beaucoup d’autres valeurs. Il nous revient que ce charisme continue à rayonner avec force pour la gloire de Dieu, le bien de l’Église et le salut des peuples.

IV.    Un mot de remerciement


Permettez-moi d’exprimer mes remerciements cordiaux à tous ceux et celles avec lesquels j’ai eu le privilège de travailler de façon étroite : le Conseil général, tous les membres de l’Administration générale, les supérieurs majeurs et ceux qui ont servi la Congrégation dans chaque Unité et de façon générale à plus d’un titre. Merci à tous les Oblats qui ont rendu possible à  la Congrégation de  poursuivre son périple.

Je remercie la Congrégation qui m’a confié la charge de créer des liens d’unité entre les Oblats en essayant de représenter de quelque façon saint Eugène (dont le caractère était très différent du mien), et d’être le gardien de son charisme parmi les membres de nos diverses associations laïques et à l’intérieur de l’Église. Dieu m’a donné assez de bonne santé et bien des grâces pour remplir ce poste mais, malheureusement, je n’y ai pas répondu à plein; je demande pardon pour toutes les fois où j’ai négligé le bien commun et manqué d’attention aux personnes.

Je termine en remerciant Dieu, l’auteur de la vie et celui d’où nous vient chaque vocation oblate particulière. Je ressens une profonde gratitude pour tous les Oblats qui répondent avec fidélité et de nouveau chaque jour à leur appel en tant qu’humains, chrétiens, religieux et missionnaires. Nous pouvons tous être fiers d’eux.

Rome, le 2 juillet 2010 – Wilhelm Steckling, O.M.I.